C’est en 1933 que l’Abbé Albert DUMAIL créé un patronage afin d’occuper les enfants du quartier les jours où il n’y a pas d’école : « l’Etoile de Bonne Nouvelle » dont le football devint l’activité principale. Par la suite, il y aura une section culturelle (théâtre) et surtout sportive (natation, ping-pong, athlétisme...).
La guerre et l’occupation (1939-1945)
Dès le début de la seconde guerre mondiale, des jeunes de l’Etoile de Bonne Nouvelle ont été appelés sur le front mais le patronage et le football continuaient malgré tout. Puis vint la débâcle, la captivité pour certains et l’exode pour les autres. La saison 1940-41 fut la dernière de l’Etoile de Bonne Nouvelle. En 1941, 7 patronages du centre de Paris décidèrent de se regrouper en une seule association.
Pour le 1er arrondissement :
Saint-Roch Sports
Le Cercle Saint-Germain l’Auxerrois
Pour le 2ème arrondissement :
L’Etoile de Bonne Nouvelle
Pour le 3ème arrondissement :
Les Cadets des Arts et Métiers
Les Juniors de Sainte-Elisabeth
Pour le 4ème arrondissement :
Les Jeunes Francs de Saint-Merri
Les Lions de Saint-Paul
L’ASSOCIATION SPORTIVE DU CENTRE DE PARIS était née, dirigée par le Père Dumail.
La Résistance
Durant cette période, on continue à jouer au foot dans notre club mais des nuages sombres apparaissent. Ainsi le service du travail obligatoire (S.T.O.), institué en France en février 1943 pour fournir de la main-d’œuvre à l’Allemagne, vint jeter le trouble chez nos jeunes concernés. Chacun essayait d’y échapper ; quelques-uns réussir à passer en zone Sud, en Espagne, au Maghreb… Mais d’autres furent contraints de partir en Allemagne. Là-bas, certains périrent et d’autres heureusement réussirent à s’évader et à regagner Paris où le Père Dumail leur fournira des fausses cartes d’identité, comme à d’autres « résistants ». Le 9 juillet 1943, à cause d’une dénonciation, le Père Dumail est arrêté par la Gestapo. Après 3 mois de prison et grâce à divers appuis, il fut libéré mais constamment surveillé. Malgré tout, au retour du Père, le football repris et la résistance continuait. Ainsi un éminent membre du club, Henri Chaumé, occupait un poste important de la résistance parisienne et organisait des réunions secrètes dans les locaux du club au 79 rue Réaumur.
Durant cette guerre, plusieurs joueurs de l’AS CENTRE furent arrêtés par la Gestapo et envoyé en Allemagne où, hélas, certains moururent. Il y avait aussi tous ces parents juifs du centre de Paris qui périrent dans les camps de concentration et dont les enfants, joueurs à l’AS CENTRE, avaient pu être cachés et sauvés grâce au Père. Certain de ces admirables orphelins choisirent de se convertir au catholicisme, à la fin de la guerre, en hommage au Père Dumail.
La Libération
Enfin arriva le débarquement du 6 juin 1944. En réunion au club, on suivait sur une carte l’avancée des armées alliées. C’était le moment d’être prudent. Hélas Henri Chaumé fut arrêté et envoyé en Allemagne par le dernier train parti de Compiègne et il disparut en avril 1945 vers Magdebourg.
A Paris, vint l’heure du soulèvement fin août 1944. La mairie du 2ème arrondissement comptait une cinquantaine de jeunes hommes de l’AS CENTRE DE PARIS qui participèrent courageusement à cette insurrection dont quelques-uns au prix de leur vie.
L’année 1945 vit la fin de la guerre et l’heure des bilans… Notre club avait perdu plusieurs de ses enfants, notamment en déportation en Allemagne. En leur hommage, le Père Dumail organisa 2 fois par la suite un pèlerinage dans ces camps de la mort, avec des jeunes de l’AS CENTRE, en souvenir de leurs chers camarades disparus.
La vie reprend ses droits
La vie sportive avait repris dès octobre 1944, toujours dans les championnats des Patronages, et toujours dans les toutes premières places, et cela durant 7 ans.
En 1953, les principaux dirigeants, le Père Dumail, Roger Lalanne (qui devint plus tard Président de la Ligue de Paris de Football) et Paul Patard (entraîneur chevronné des Seniors) décidèrent de passer toutes les équipes à la Fédération Française de Football. Les débuts bien sûr se firent dans la dernière division (2è) et les 2 équipes Seniors (Première et Réserve) ont fini 1ères en mai 1954, ainsi que les Juniors, Cadets et Minimes, et montent en Promotion de 1ère Division. La saison suivante, rebelote, la Première est championne et monte en 1ère Division, ainsi que les Juniors 1 et les Cadets 1 !
Le club est bien lancé et les équipes A évolueront toujours en Ligue de Paris, remportant plusieurs fois la Coupe de la Seine et la Coupe de Paris. Et certaines années, nos Seniors passeront jusqu’à 7 tours de Coupe de France. A cette époque dorée (années 50 et 60 notamment), l’AS CENTRE DE PARIS comptait plusieurs équipes dans chaque catégorie et des très bons joueurs dont certains deviendront internationaux amateurs ou footballeurs professionnels. A côté des activités sportives, il y avait des activités parallèles : colonies de vacances et les grands voyages.
Les colonies de vacances
Dès les débuts de l’Etoile de Bonne Nouvelle, le Père et les responsables ont organisé des colonies de vacances pour les enfants du club et du quartier. Pendant la guerre, elles furent interrompues mais dès la Libération de Paris, elles reprirent.
Différents lieux étaient choisis en France pour le plaisir de tous. Puis le Père fit l’acquisition de 2 grandes maisons qui pouvaient accueillir tous les enfants durant les vacances scolaires. Tout d’abord à Morvillette (Eure et Loire) dans une propriété de 14 hectares de forêt puis à Donville (Normandie, bord de mer) où les équipes de jeunes participaient aussi aux tournois de la Pentecôte.
Les grands voyages
Il est de nos jours courant de partir à l’étranger pendant les différentes vacances mais à l’époque de la création du club (début des années 30) cela se faisait très rarement et c’était réservé à de riches privilégiés. Mais à l’Etoile de Bonne Nouvelle puis à l’AS CENTRE DE PARIS c’était courant, grâce à la détermination et surtout à la générosité de l’Abbé DUMAIL. Ces voyages étaient souvent l’occasion de disputer des matchs et des tournois de football et de pratiquer d’autres sports, notamment des longues tournées à vélo. Dès 1938, ce fut l’expédition en Italie et à Rome, malgré la fermeture des frontières à cause de l’imminence de la guerre (le groupe de l’Etoile de Bonne Nouvelle fut le dernier à passer la frontière avec ses vélos, les journaux de l’époque ont raconté cet épisode).
Après la guerre, les voyages furent de plus en plus nombreux et il serait trop long de les citer tous (à Pâques et en été). Les voitures de l’Abbé DUMAIL ont sillonné l’EUROPE entière dans tous les sens jusqu’au CAP NORD (2 fois) : Angleterre, Belgique, Pays-Bas, Danemark, Norvège, Suède, Finlande, Allemagne Ouest et Est, Autriche, Italie, Espagne, Portugal, Tchécoslovaquie, Hongrie, Bulgarie, Yougoslavie, Roumanie, Pologne, Grèce, Turquie, Suisse (chaque hiver à Noël)etc… Souvent les équipes de Jeunes partaient disputer des tournois de football dans toute l’Europe, avec succès. Il y eut aussi des voyages hors d’Europe : Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte, Liban… Tous les « anciens » concernés se souviennent avec émotion et reconnaissance de ces moments privilégiés.
Le local… et les fêtes
Le club a toujours eu un grand local, doté d’une salle des fêtes, pour recevoir tous ses licenciés et amis, et puis organiser des fêtes mémorables régulièrement ; tout d’abord au 79 rue Réaumur puis bien sûr au 14 rue des Petits Carreaux.
Des années 50 aux années 90, « le club » comme on l’appelle était toujours plein. Tous les jours à 17h30, il ouvrait et s’éveillait, à 18h il bouillonnait et à 20h il bouillait et on avait du mal à le fermer ! Le bar, le ping-pong, le baby-foot, les jeux de société, les réunions, les révisions, les cours…. tout le monde y trouvait son bonheur, sous l’œil avisé du Père Dumail qui « trônait » sur son siège en face du bar. Régulièrement des fêtes étaient organisées par les dirigeants : soirées dansantes, galas, réceptions, bals masqués et costumés, anniversaires, tombolas… Nordine, dans les 90 et 2000, a fait revivre cet état d’esprit avec des soirées organisées fréquemment et qui ont eu beaucoup de succès.
Aujourd’hui (et depuis 1995) notre local se trouve au 7 rue de la Ville Neuve. Il est moins grand et beaucoup moins de monde y passe car les habitudes et les activités ont changé. A l’époque, l’A.S. CENTRE DE PARIS c’était plus qu’un club, c’était une institution, connue et appréciée par un nombre considérable de personnes. C’était « mon club » disait chacun de ses membres, avec un sens d’appartenance et de fierté très conséquent.
Même si le football était la plus importante, il y eu différentes sections sportives dans son âge d’or, comme la boxe, le rugby, l’athlétisme (Michel Jazy, médaillé olympique, y fut licencié) avec plusieurs champions régionaux et nationaux et donc de très nombreux membres.
La saga de l’A.S. CENTRE DE PARIS nécessiterait un gros volume et, pour bien faire, il faudrait citer plusieurs dizaines de dirigeants bénévoles, admirables de dévouement et de fidélité ; plusieurs centaines de joueurs, jeunes et moins jeunes, qui ont porté fièrement le maillot violet. Des « personnalités » ou leurs enfants jouent ou ont joué quelques temps dans notre club (ci-dessous Michel Drucker).
Notre club a connu son apogée dans les années 50, 60 et 70. Chaque catégorie avait plusieurs équipes, les résultats étaient exceptionnels, le local était toujours plein 7 jours sur 7 et la plupart des licenciés habitaient le centre de Paris.
Et puis est survenu le dépeuplement des 4 premiers arrondissements de Paris (dans le 2è, plus de 40 000 habitants en 1959 ; 19 000 aujourd’hui), l’aménagement des anciens quartiers, le déplacement des Halles, la démolition de nombreux immeubles et de parcs entiers. Les jeunes générations quittent le centre pour habiter dans les quartiers périphériques ou la banlieue. Fatalement, notre club perdit de très nombreux joueurs et la relève étant beaucoup moins importante, les résultats furent moins bons et la dégringolade inévitable.
Aujourd’hui, en 2017, l’AS CENTRE DE PARIS vit encore, malgré les difficultés pour faire exister un club de football en plein centre de la capitale. Il faut l’avouer, c’est chaque année de plus en plus difficile, on tient encore… mais jusqu’à quand ? C’est la grande question…
Les bénévoles n’existent plus, on a donc beaucoup de mal à trouver des dirigeants, l’engagement et l’attachement des joueurs ou des entraîneurs envers leur club n’est plus du tout avéré et ils ne font, pour la plupart, que passer. Heureusement, la MAIRIE de PARIS (subventions) et le PARIS SAINT GERMAIN nous donne des coups de mains bienvenus (matériels, équipements, formation de jeunes entraîneurs, tournois, invitations diverses…).
NORDINE continue de faire vivre le club tant bien que mal avec l’aide de quelques personnes dévouées, comme Thierry LUBIN.
Nous avons encore de nombreux jeunes joueurs (de 5 à 17 ans) qui font souffler un vent d’optimisme pour l’avenir. Mais en Seniors, par exemple, l’équipe ne tient plus qu’à un fil et, après une époque dorée pas si lointaine, se meurt petit à petit… Malgré tout, devant cette riche et belle histoire, on ne peut que s’incliner. Et on a le devoir de continuer courageusement le combat pour que vive toujours et encore l’AS CENTRE DE PARIS !
Avant de terminer, je veux rendre un hommage appuyé à 4 personnes extraordinaires qui m’ont marqué et qui ont marqué à tout jamais l’A.S. CENTRE DE PARIS.
Le Père DUMAIL, bien sûr, immense personnage charismatique doté d’une très grande culture. Il a créé, façonné et pérennisé notre club. Le retrouver, chaque soir au club, et entamer des discutions diverses avec lui, c’était un régal et une grande richesse. C’est le premier qui m’a fait confiance et m’a donné des grandes responsabilités malgré mon jeune âge.
Gilbert MASSOT (1933-2011). Tout jeune, il a porté les couleurs de l’AS Centre. Comme il était un très bon footballeur, à 16 ans il jouait déjà en Première Seniors ; puis il partit dans le monde professionnel au Stade Français (joueur puis entraîneur). Et un jour, comme prévu, il revint dans son club formateur, pour s’occuper des Seniors puis en tant que vice-président. Jusqu’à la toute fin de sa vie, il a suivi et accompagné nos équipes, notamment les Seniors ; tout le monde s’en souvient avec émotion. Moi, il m’a guidé, encouragé et abreuvé de conseils judicieux pour la bonne conduite de notre club.
Serge CELATI, licencié sans interruption depuis 1955, il a joué dans toutes les catégories du club et, malgré son talent de footballeur qui lui aurait permis d’aller briller ailleurs, il est resté fidèle à l’A.S. CENTRE DE PARIS et au Père Dumail. Les anciens disent qu’il était le chouchou du Père ! Il devint tout naturellement Président en 1978 ; il l’est toujours aujourd’hui, même si c’est surtout honorifique. Il a toujours été présent lorsqu’on a eu besoin de ses services et aussi pour défendre âprement les intérêts de l’AS CENTRE en nous assurant un tas d’avantages. Enfin, il m’a toujours témoigné une grande confiance et a fait preuve d’une belle générosité, ne me refusant jamais rien pour l’agrément de notre club et de ses licenciés.
Khamès BEN ALAYA, il est arrivé de Tunisie en 1998 et notre club l’a immédiatement accueilli. Il a travaillé sans relâche pour les enfants de l’AS CENTRE et tout le monde était touché par son dévouement et sa grande gentillesse. Après une absence de 3 ans et, comme il me l’avait promis, il est revenu dans son club pour nous aider efficacement. Hélas, une maladie subite et cruelle l’a emporté rapidement à 40 ans, laissant 2 fillettes orphelines. Son souvenir est toujours vivant au club…
Albert DUMAIL
Fondateur de l’AS CENTRE DE PARIS
Docteur en théologie, professeur de français, de latin, de grec classique, d’espagnol et d’allemand, l’abbé Albert DUMAIL (1905 - 1991) est le fondateur - bienfaiteur de notre club. Après de brillantes études, il embrassa la carrière ecclésiastique car, plus jeune, il en fit la promesse à sa chère mère.
A la création du club, il faisait office de dirigeant, d’entraîneur, de directeur sportif et de président ! Puis le club s’est étoffé et il s’entoura de gens compétents, notamment dans les domaines technique et sportif, pour développer l’A.S. CENTRE. Des grands dirigeants, entraîneurs et présidents ont pérennisé le club, toujours sous l’œil bienveillant et vigilant du Père.
C’était un passionné de football qu’il avait pratiqué assidument. Il était toujours sur les terrains pour encadrer et encourager ses ouailles. Et gare aux adversaires qui faisaient preuve d’indécence ou de violence contre ses joueurs. Lorsque des bagarres éclatées, l’abbé n’était jamais le dernier à faire le coup de poing !
Des générations d’enfants, d’adolescents et d’adultes lui sont reconnaissantes pour tout ce qu’il leur a apporté, à travers le club, mais aussi par son engagement et son comportement exemplaires. Ainsi pendant la 2ème guerre mondiale, il a aidé et fourni des faux papiers à des résistants recherchés et il a caché et sauvé des enfants juifs dont les parents avaient été déportés. Il était toujours présent pour aider son prochain, c’était ton vrai sacerdoce.
Le « Père » comme tout le monde l’appelait, n’a connu que la paroisse Notre-Dame de Bonne Nouvelle (Paris 2ème) : affecté là en 1932 à sa première nomination, il devient successivement second (1941) puis premier vicaire (1944) avant d’exercer la charge curiale pendant 30 ans (1947-1977) et demeurer sur la paroisse jusqu’à sa mort, en tant qu’ancien curé.
Son papa fut l’inventeur de certains procédés pour les pellicules sur lesquelles étaient gravés les premiers films muets. C’est pourquoi l’abbé Dumail était né en Amérique du Sud et qu’il avait hérité d’une belle fortune qu’il a mise surtout à la disposition de son club pour sa pérennité et le bien-être de ses adhérents.